Comment intégrer plus d'éthique et d'éco-responsabilité en SEO ? 
 

Si je vous parle d'éco-responsabilité, de bienveillance et d’éthique en SEO, cela vous dit-il quelque chose ? Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ces notions un peu floues sont particulièrement à la mode, il est même parfois bien difficile de les définir et d'en comprendre le sens selon les contextes. Cela est d’ailleurs encore plus vrai dans le digital, où le manque de régulation crée des dérives, parfois inattendues. Mais ce n'est pas le sujet du jour.

En tout cas, si un changement peut être envisagé vers plus d’éthique et de bienveillance sur le web - et notamment en SEO, cela passera forcément, en premier lieu, par ceux qui en ont une compréhension plus qu’aigue, les développeurs web. 

J’ai donc invité Hervé Frackowiak, Directeur technique front & accessibilité chez Labanqui.se, pour y voir plus clair sur ce que peut être la bienveillance et l’éthique dans le vaste et impitoyable monde du digital et du SEO.

Au programme :

  • Allier la performance, l’éthique et l’éco-responsabilité, c'est possible
  • Sensibiliser les clients à l’éco-conception des sites web
  • Les nouvelles technologies et l’innovation  pour développer des sites web éco-conçus
  • Eduquer davantage sur l’éco-conception et l’éco-responsabilité dans le numérique
  • Les pistes de réflexion pour aller vers plus d’éthique d’éco-conception

Allier la performance, l’éthique et l’éco-responsabilité, c'est possible

Les développeurs web, les techniciens du web, sont à la base de tout dans le digital. Ils sont les maçons, les charpentiers et les plombiers d’un site web. J’exclue ici tous les utilisateurs de CMS. 

Pour entrer dans le vif du sujet, je décide de demander à notre expert, qui un ancien technicien du web, si les développeurs web font-ils bien leur travail s’ils ne prennent pas en compte les notions de performances allier à l’éco-responsabilité lors de la création d’un site ?

Hervé Frackowiak tient à pondérer en rappelant que la réponse “ne sera pas aussi binaire que ça. Si on prend l’aspect métier, la performance doit être dans l’esprit de tous les développeurs. Ca reste la base d’un bon développement.

Sur le deuxième aspect, qui est l’éco-responsabilité, je pense qu’il y a une prise de conscience, surtout chez les plus jeunes [...]. Quand on sait que l’éco-conception est intimement liée à la performance, faire un site éco-conçu, avec du green code et ce type de pratiques, ça donnera forcément un site qui va vers la performance [...]”.


Sensibiliser les clients à l’éco-conception des sites web

Mais dans ce type d’approche, il y a la partie offre, conçue de développeurs web et la partie demande, conçue de clients. Une clientèle qui n’a pas toujours conscience des enjeux environnementaux qui découlent du numérique. Comment se gère la relation client quand la demande réclame toujours plus de contenus, de backlinks, etc ?

Pour notre expert, “il y a une autre partie du développement qui concerne le conseil. [...] Les experts c’est nous et les clients sont demandeurs d’une expertise. C’est à nous de réfléchir à tout ça et de leur fournir une expertise, en leur disant qu’ils leur faut une app plutôt qu’un site web par exemple. C’est également à nous de conseiller sur l’accessibilité, l’éco-conception, l’éthique…

Il faut que, dans la tech, on arrête de se leurrer et de dire que le client ne voulait pas. On est dans la tech. On est un des fers de lance de l’industrie du numérique [...], donc c’est à nous de pousser ces concepts vers le client et de les aider à comprendre. 

Par exemple, si on prend l’exemple de l’éco-conception, il y a tout le côté RSE qui entre en jeu pour eux. Si on prend l’accessibilité, il y a tout le côté légal”.



 

On a coutume de dire qu’un bon développeur est un dév capable de répondre aux besoins de ses clients. Aujourd’hui, n’est-ce pas de leur responsabilité de créer des sites qui allient la réponse aux besoins des clients, tout en créant des sites plus respectueux de l’environnement ?

Les développeurs ne sont pas que des exécutants”, soutient Hervé Frackowiak. “Il faut arrêter de se dire qu’on me donne quelque chose et je le fais. Le travail de développeur c’est : on me donne une problématique. Je réfléchis. Et je propose une solution. Si on est axé accessibilité, écologie, éthique, c’est à nous de proposer une solution qui va répondre aux besoins du clients, ou qui va les ajuster, et de proposer la solution la plus éthique, éco-responsable et accessible. Il y a vraiment moyen de pousser ça facilement.

Pour moi, on a aujourd’hui des facilités pour dire qu’on propose un site éco-concu et que ça répond à une politique RSE, ça répond légalement aux besoins d’accessibilité, ça répond légalement à la gestion des données [...]”.

 

Les nouvelles technologies et l’innovation  pour développer des sites web éco-conçus

Sur le papier tout cela semble être bénéfique pour tout le monde. Mais dans la pratique, si on devait faire un petit listing des conseils pour que les développeurs améliorent la création de sites web, quel serait-il ?

Le meilleur conseil de notre expert pour faire du green code et de l’éco-conception serait “d’utiliser les technologies récentes et l’innovation, plutôt que de repartir sur de la “sobriété “assez hard”, qui voudrait dire qu’on reviendrait sur des sites avec peu d’images, des images monochromes, tramées, … 

Je partirai donc sur des outils innovants. Par exemple, sur un site, souvent la majorité du poids se divise en 2 catégories : les images et le Javascript. Concernant les images, on a la possibilité de les charger en lazy loading, c’est-à-dire qu’à partir du moment où l’image n’est pas dans une zone où elle va être scrollable, elle ne sera pas chargée. 

Il y a aussi des technologies qui permettent d’avoir des poids plus supportables pour les images, par exemple le WEBP [...]. Il permet une diminution drastique du poids, sans perte de qualité [...].

Toutes ces techniques permettent réduire massivement le poids du site web et donc d’avoir un site éco-conçu et plus écologique. 

Le poids ne fait pas tout. Si on voulait parler d’éco-conception, il faudrait aborder énormément de sujets comme le choix du type d’hébergement web [...]. Toutes ces petites choses mises bout à bout permettent d’avoir des sites plus accessibles et plus éco-conçus”.

 

Eduquer davantage sur l’éco-conception et l’éco-responsabilité dans le numérique

Malgré la multiplication de ce nouveau type de “joujou” pour développer des sites web plus respectueux de l’environnement, il semblerait qu’il y ait encore une minorité de dév à à les utiliser. Pourquoi ce type d’usage n'est-il pas plus répandu dans le monde de la tech ?

Pour Hervé Frackowiak, l’explication semble plutôt simple, “les gens ne savent pas”. “On ne leur a pas forcément appris. Et les gens qui ne s’y sont pas intéressés ne se sont pas forcément rendus compte de ce qui pouvait être économisé. Alors qu’on parle de choses qui peuvent être économisées assez facilement et rapidement [...]. Il faut en parler. 

Nous avons mis en place un outil qui s’appelle Muchas gracias, qui permet de dire si un site est plutôt éco-conçu, accessible et performant. Et de nombreuses personnes voient que leur site a une mauvaise note, alors qu’il est tout neuf. On leur explique ensuite que c’est parce qu’ils ont utilisé telle type de technologie, qu’il ont un moteur d’une vieille solution qui n’est pas mis à jour, etc.
Quand les gens savent et qu’il y a eu prise de conscience, après il peuvent faire des choses [...]
”.



 

Il semblerait pourtant que la prise de conscience à grande échelle ne soit pas pour demain dans le monde du SEO. Surabondance de contenu, sites satellites, proliférations de backlinks toxiques, etc, on ne peut pas dire que le SEO d’aujourd’hui soit particulièrement éthique et bienveillant écologiquement parlant…

Hervé Frackowiak pointe les ambitions des acteurs du SEO qui “veulent de la performance, mais veulent-ils être éthique ? Ou ont-il pensé qu’être performant n’était pas forcément éthique ou éco-responsable ?”, interroge-t-il. “Je pense qu’il y a des gens qui savent très bien ce qu’ils font et que ce n’est pas bien et qui ne voient que la performance, le business, etc. Et je pense qu’il y en a qui se disent que les techniques de SEO c’est un peu “tricky” [...], parce qu’on ne leur a jamais dit comment faire [...].

Pour moi, il y a une première étape qui doit être d’informer. [...] Et ce faisant, ça va créer derrière une prise de conscience [...]. Il faut un premier constat et se demander si ce qu’on fait c’est vraiment bien [...} et si ce n’est pas bien les gens vont te demander comment faire bien”.

 

Les pistes de réflexion pour aller vers plus d’éthique d’éco-conception

Comme l’a répété notre invité, un des premiers enjeux pour entamer une transition est de mieux informer les professionnels et les clients vers ces nouvelles pratiques. Mais comment faut-il faire pour se lancer concrètement pour mettre un premier pied dans l’éco-conception ?

Pour notre expert, l’un des premiers axes à respecter concerne la transparence avec les clients. “Il faut annoncer la couleur quand les entreprises délivrent un service. Il faut annoncer quels types de techniques on utilise pour être premier sur Google. Si le client est sur le côté RSE et qu’il souhaite faire autrement, il faut lui dire qu’on peut le faire, mais qu’il sera seulement troisième ou quatrième dans Google. Il faut donc dire ce qu’on fait et pourquoi on le fait.

Le second est qu’il faudrait une dominante de green code dans les choses un peu “tricky” qu’on peut faire. Par exemple, un truc tout bête serait d’annoncer que tel site web est un site de contenu pour faire du backlink, etc. Ce message serait juste pour les utilisateurs, pas pour les robots, pour leur spécifier qu’ils sont sur un site dédié au référencement. Et ce site pourrait directement être créé sur une jumpstack, c’est un site statique [...]. Ça consommerait beaucoup moins [...].

Mais le plus gros changement ne peut pas se faire sans Google et consorts. Ce sont eux qui établissent la règle du jeu en SEO. C’est à eux de prendre conscience des pratiques qui découlent de leurs algorithmes. C’est à cause de leur algorithme qu’on se retrouve avec des pratiques “tricky”, qui ne sont pas éthiques, etc.
Eux aussi devraient être plus transparents en donnant des tips pour être performant, tout en respectant des règles d’éthique, d’éco-conception et d’accessibilité [...]
”.

 

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