Green marketing : le SEO créé de la pollution numérique

 

Aujourd’hui, on va arrêter d’avancer avec des œillères et dire clairement la vérité : oui, la recherche de performance SEO - et le SEO dans sa globalité - sont une vraie source de pollution ! C’est une réalité.
 

Panneau vigilance
 

Le référencement naturel, tel qu’on le pratique actuellement, n’est donc pas du tout green marketing friendly. Après tout, c’est logique. On en connaît davantage sur les conséquences du développement du numérique et du digital sur l’environnement, il n’y a donc aucune raison que la pratique du SEO n’ait aucune incidence. 

Pourtant, lorsqu’on lit les différents articles sur le sujet, on s’aperçoit finalement que chacun prêche un peu pour sa paroisse et que, là où certains voient des bienfaits environnementaux au SEO, d’autres y voient des méfaits. On se dit que ce n’est qu’une question de point de vue en fait et que n'importe quel arguments permet d'affirmer ou d'infirmer que le levier marketing du SEO est source de pollution numérique.

J'ai donc décidé d’interroger Tennessee Veldeman, fondateur de Cocolyze et de Site Analyzer, pour y voir plus clair sur le sujet. Et si vous pensez qu’il va défendre bec et ongles les vertus du référencement naturel parce qu'il est un créateur d'outils SEO, je vous invite à lire cet article. Vous risquez d'être surpris !

Pourquoi penser que le SEO est un gros pollueur numérique ?

Tout d’abord il faut bien définir ce qu’est un pollueur. Un pollueur c’est quelque chose ou quelqu’un qui crée des déchets. Dans le digital et l’informatique, la pollution principale est la consommation d’énergie. Pour fonctionner et rester en ligne, un site web a besoin de serveurs qui se trouvent dans des datas centers qui polluent énormément. La pollution numérique devient énorme. Il ne faut pas oublier qu’il y a plus de sites web que d’habitants sur terre.
 

data center
 

Le SEO n’est pas innocent à toute cette pollution numérique. Le principe numéro 1 du référencement naturel, c’est d’être premier sur Google ou sur d’autres moteurs de recherche. Et pour y arriver, on t’incite à être positionné sur un maximum de mots clés, à avoir un site qui a un maximum de contenus et un maximum de pages. On va donc créer une quantité colossale d’articles de blog, de contenus, de pages produit, de catégories, de sous-catégories, tout ça pour plaire avant-tout aux robots. Si on travaillait davantage pour satisfaire les utilisateurs, une grande quantité de ces éléments ne seraient pas créés”.

Avec les Core Web Vitals, les algorithmes Penguin, Colibri, Panda, … Google ne contribue-t-il pas à atténuer indirectement cette pollution numérique ?

Toutes ces mesures sont efficaces pour améliorer les performances SEO d’une page. C’est intéressant pour les utilisateurs, car les pages sont plus rapides à charger. C’est aussi intéressant pour Google, car ça réduit son budget en crawling et ça permet d’analyser les sites plus rapidement. Le problème n’est pas sur la performance d’une page, mais sur la quantité des pages. Le SEO aujourd’hui, c’est du quantitatif. Il n’y a qu’à voir le nombre de résultats quand on lance une recherche".

Pourquoi se retrouve-t-on dans cette frénésie de création de contenus ?

"Chaque site web évolue dans un secteur.
Par exemple, je suis un site web qui vend des chaises. Il va y avoir plein de mots clés différents qui vont être pertinents pour mon activité. Mais le souci, c’est qu’on veut tous être positionnées sur les mêmes mots clés type “achat chaise”, “chaise en vente”, etc.

 

SERP moteur de recherche
 

Pour pouvoir être visible, on crée une quantité colossale de contenus, uniquement pour générer du trafic et ces contenus ne seront jamais lus. Ils n’ont aucun but commercial. On se retrouve avec des centaines de milliers de pages, qui n’ont aucune utilité, dans le seul but d'avoir quelques utilisateurs en plus.

Faisons une analogie pour que ce soit plus clair : le SEO avant, c’était comme si vous vous mettiez dans le métro pour distribuer des flyers. Avec l'important flux de passants, vous pouviez en distribuer un grand nombre. Aujourd’hui, c’est comme si vous vous retrouviez dans ce même métro avec seulement cinq passants et que des milliers de distributeurs de flyers cherchent à capter leur attention.

Pour répondre à cette problématique, la “meilleure idée” que le monde du SEO et du marketing digital aient eu, c’est de balancer à ces cinq personnes des centaines de flyers à la tronche pour les convaincre qu’ils sont les meilleurs. En termes de ROI, ce n'est pas très judicieux et la pollution numérique est bien présente si on ne se concentre que sur le quantitatif.

Donc, si on regarde les pratiques SEO actuelles et le fonctionnement de Google, le référencement naturel générera forcément de la pollution numérique”.

Quelles sont les solutions pour faire évoluer le SEO vers moins de pollution numérique ?

Il n’y a pas vraiment de solution. La définition même du marketing - et le SEO est un levier marketing - c’est de faire consommer. Et quand on cherche absolument à vendre, on peut avoir tendance à faire n’importe quoi pour y arriver. On ne réfléchit pas aux notions d’éthique, d’éco-responsabilité, etc.

De nombreux acteurs du SEO ont l’impression qu’ils ne font rien de mal vu que c’est digitalisé. Mais, si on devait imprimer tout ce qui est créé, on imprimerait des bouquins entiers de contenus, qui sont même parfois générés automatiquement.

Certains ont même la “bonne idée” de créer des sites satellites, les fameux réseaux PBN, en se disant que ça va apporter encore plus de poids à leur propre site. Donc pour bien positionner une seule page, certains en créent des dizaines d’autres sur des sites satellites… C’est devenu un truc de fou. C’est une aberration écologique quand on sait l’énergie que demande le crawling de toutes ces pages".


schéma réseau PBN

Quel est l’avenir avec ce type de pratiques et du modèle du SEO ?

On est au tout début de la prise de conscience concernant la pollution numérique. Mais, selon moi, ce n’est pas prêt de changer.

Plus on a de datas et plus c’est intéressant pour les grosses sociétés de perpétrer le modèle du marketing actuel. Il faut aussi se rendre compte, en tant que consommateur, à quel point on consomme Google et à quel point nous en sommes dépendants. Soyons honnêtes, ça reste un outil qui est incroyable et très pratique. Je ne vois pas comment les choses pourraient changer.

Un début de changement pourrait avoir lieu si les créateurs de sites web arrêtaient de penser qu’il faut être positionné sur des termes génériques à fort trafic et qu’ils se concentrent davantage sur des niches. Il faudrait qu’ils arrêtent de se concentrer sur Google et qu’ils aient une approche plus multicanale. Si être positionné sur des mots clés ultra concurrentiel demande autant d’effort et de pollution numérique, ça n’a pas de sens”.

Et la transition vers des pratiques marketing et SEO plus éco-responsables a un coût...

Faire un site écologique au moins aussi performant, ou plus, qu’un site normal, ça va coûter beaucoup plus cher, car à partir du moment où il va falloir faire une modification sur le site web, ça va être un peu plus complexe donc plus coûteux.
Les entreprises n’y voient pas leur intérêt à investir dans ce type de produit. Et même si Google met de plus en plus de critères qualitatifs dans l’analyse des pages, ça n’empêche pas que des millions et des millions de pages parasites continuent à être créées.

Selon moi, le problème vient de la gloabalisation. On veut toucher le monde entier en créant nos pages et tout le monde veut faire pareil. La concurrence pour être bien positionné dans les moteurs de recherche est exacerbée. Pour essayer de se distinguer, on ne fait que créer encore plus de pages pour continuer à être visible et à exister, ce qui génère immanquablement toujours plus de pollution numérique".

C’est donc un problème plus global dû au modèle écononomique et marketing actuel ?

Exactement. Si on est plus intelligent et qu’on veut moins de pollution numérique, il faut adopter des stratégies marketing différentes et plus durables. Il faudrait essayer de modérer les coûts en publicité, SEO, etc, pour arriver à modérer la pollution numérique. Cela implique d’être plus intelligent et créatif dans sa façon de communiquer.

En ce qui concerne le SEO, j’ai créé la méthode MAAC. Elle n’a pas pour objectif direct de réduire la pollution numérique, mais c’est une méthode qui permet de faire du SEO proprement, intelligemment et durablement. Elle participe indirectement à améliorer la façon de faire du SEO et donc à réduire son impact environnemental. Ce n'est pas une solution miracle. Mais ça permet de commencer à faire du SEO plus responsable”.


infographie méthode MAAC

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